Compétences numériques

Les compétences numériques font partie des compétences essentielles dont toute personne est censée disposer, que ce soit dans la vie professionnelle ou privée. Elles ne cessent de gagner en importance. Les aptitudes essentielles dans ce domaine sont liées à l’usage actif et passif d’appareils, d’applications, de contenus et de services numériques. L’étendue et la définition exactes des compétences numériques de base dépendent dans une large mesure du contexte ainsi que des exigences sociétales et personnelles auxquelles doivent satisfaire les personnes concernées. La numérisation progressive de la société met en évidence l’importance des compétences numériques de base, tant dans le monde professionnel que dans la vie de tous les jours. Or, diverses enquêtes sur ce sujet montrent qu'environ 22 % à 31 % de la population suisse ne possède que peu ou pas de connaissances de base dans le domaine numérique (Omnibus 2023;Baromètre numérique 2024). Les conséquences pour les personnes concernées peuvent être graves, allant de difficultés à participer à la vie sociale jusqu’à l’exclusion du monde professionnel. Les personnes ayant un faible niveau de formation, un âge avancé et un faible revenu présentent notamment un risque accru d'exclusion numérique (Baromètre numérique 2024).

En 2016, le Conseil fédéral suisse a lancé la stratégie « Suisse numérique » dans le but d’exploiter pleinement les opportunités de la numérisation. L’un des objectifs principaux de cette stratégie est notamment le « renforcement des compétences numériques » :

Tous les habitants de la Suisse, ainsi que les Suisses de l’étranger, doivent à l’avenir également pouvoir participer efficacement aux processus politiques, sociaux, économiques et culturels numériques. … Les compétences numériques et transversales nécessaires doivent être transmises plus activement, afin de doter les individus des outils adéquats. Extrait de la Stratégie Suisse numérique de l’Office fédéral de la communication 2018

En accord avec cet objectif, un cadre d’orientation relatif aux compétences de base pour la Suisse a été élaboré en 2019 sous la houlette du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), dans le contexte de la mise en œuvre de la loi sur la formation continue. Il « a pour vocation de servir d’aide à l’orientation pour les instances de subventionnement, les organisations de la formation continue et les organismes relais, en vue de décrire plus concrètement le domaine des compétences de base en TIC » (Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation SEFRI 2019).

Afin de déterminer les principaux champs d’action, le cadre d’orientation fait référence « à l’accomplissement de tâches spécifiques du quotidien professionnel et privé », qui requiert typiquement la maîtrise des compétences numériques correspondantes :

  • Communication et coordination avec l’environnement social
  • Participation à la vie sociale (p. ex. association, quartier, etc.)
  • Opérations financières (p. ex. payer, acheter et vendre)
  • Mobilité dans l’espace public (p. ex. utilisation des transports publics, planification et organisation des congés, etc.)
  • Contacts et correspondances avec l’administration (p. ex. impôts, changement d’adresse, etc.)
  • Votations et vote électronique, participation à des organisations politiques
  • Collecte et traitement d’informations
  • Participation à l’apprentissage tout au long de la vie
Liste extraite du Cadre d’orientation du SEFRI 2019

 

Le cadre d’orientation du SEFRI regroupe les tâches ci-dessus dans cinq domaines de compétences et présente les compétences opérationnelles correspondantes. Il décrit en outre les compétences transversales requises liées aux autres compétences de base mentionnées dans la loi sur la formation continue (lire et écrire, mathématiques élémentaires et expression orale).

Tableau extrait du Cadre d’orientation du SEFRI 2019

Selon le cadre d’orientation, l’utilisation d’appareils numériques et de services en ligne, la recherche d’informations et la communication électronique sont des aptitudes particulièrement importantes. Le respect de la vie privée, du droit d’auteur, de la protection des données et du bien-être personnel doit également être pris en compte. Compte tenu des rapides progrès technologiques, le cadre d’orientation devra être adapté en permanence. De même, la définition des principales compétences numériques de base devra elle aussi évoluer.

De manière générale, les compétences numériques de base comprennent :

  • les compétences liées à l’utilisation des logiciels et du matériel ;
  • l’aptitude à utiliser, et à remettre en question, des contenus et des applications numériques ;
  • l’aptitude à créer du contenu numérique.
Définition selon Coffin Murray et Pérez 2014, traduction libr

 

Par compétences numériques de base, on entend l’aptitude à utiliser des applications et des programmes sur différents appareils (ordinateur, écran tactile, smartphone, automate à billets, etc.) pour consulter, modifier et/ou créer des contenus.

En matière de compétence numérique, on utilise fréquemment le terme anglais « digital literacy ». Apparenté au concept de littératie, ce terme place les aptitudes en lecture et écriture dans le contexte actuel des technologies numériques. L’utilisation des informations et les connaissances requises pour accomplir des tâches quotidiennes simples au moyen de technologies numériques sont au centre de cette approche. Afin de tenir compte de la complexité et de l’imbrication accrues des différentes désignations et compétences, les termes « multiple literacies » et « transliteracies » sont également utilisés et ajoutent une dimension culturelle aux définitions existantes. On se sert des technologies numériques non seulement pour rechercher des informations, mais également pour se divertir et échanger avec ses pairs. Ces facteurs montrent d’autant plus clairement que les compétences numériques doivent être étudiées dans le contexte dans lequel elles sont utilisées.

Les exigences professionnelles et sociétales jouent un rôle essentiel lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne possède des compétences numériques suffisantes. Par conséquent, il n’existe pas de définition générale du seuil d’insuffisance en matière de compétences numériques de base. En effet, d’une part, le niveau requis de maîtrise du numérique varie en fonction de la situation professionnelle ou privée, d’autre part, les problématiques diffèrent en fonction du milieu social. En outre, de plus en plus souvent, des lacunes individuelles spécifiques sont une conséquence de l’évolution technologique et sociétale. Ainsi, certaines aptitudes numériques auparavant réservées aux spécialistes sont aujourd’hui présumées acquises.

Le cadre d’orientation du SEFRI relatif aux compétences de base en technologies de l’information et de la communication (SEFRI 2019) tient compte de ces éléments et fait référence à des tâches courantes de la vie professionnelle et privée, dont l’exécution exige des compétences numériques différentes. On parle alors de déficits de compétences si les situations ci-dessous posent des problèmes, par exemple :

  • la participation à la vie sociale,
  • la communication avec l’entourage,
  • l’exécution de tâches de la vie courante,
  • la recherche d’informations,
  • l’évolution technologique au travail
  • l’exercice des droits politiques.

En raison des exigences croissantes en matière de compétences numériques de base, même les personnes qui jusqu’ici répondaient aux attentes sociales et professionnelles rencontrent de plus en plus souvent des difficultés liées à la maîtrise de ces compétences. Cette évolution met en évidence le fait que la qualification d’une lacune individuelle dépend toujours du contexte et que son évolution est progressive, en fonction des exigences. La classification ci-dessous des compétences en trois niveaux (selon le modèle de Coffin Murray et Pérez 2014) peut servir d’aide à l’interprétation de la définition des lacunes basée sur le contexte et l’évolution des exigences et permettre une différenciation supplémentaire :

  • 1er niveau de compétences « compétences de base » : les déficits en matière de compétences de base (angl. «literacy ») entraînent généralement des difficultés liées à l’usage des applications numériques courantes. Par exemple, la personne concernée n’utilisera que certaines fonctions d’un smartphone ou d’un ordinateur, ce qui limite considérablement l’accès aux informations et aux moyens de communication et entraîne un risque d’exclusion sociale. En outre, son intégration professionnelle pourrait en souffrir, puisque ces compétences fondamentales sont exigées dans le monde professionnel.
  • 2e niveau de compétences « aptitude » : les déficits en matière d’aptitudes numériques (angl. « aptitude ») apparaissent lorsqu’il s’agit de trouver des informations, de développer des stratégies personnelles pour résoudre des problèmes et de prendre des décisions fondées. Une personne concernée hésitera à utiliser d’autres outils numériques que les applications standard ou à combiner plusieurs applications pour trouver des solutions. Souvent non décelables immédiatement, ces difficultés se révèlent lorsque la personne n’est pas en mesure de vérifier la plausibilité d’informations et/ou d’instructions reçues ou qu’elle est davantage exposée aux risques numériques (virus, escroqueries, manœuvres frauduleuses, perte de la sphère privée, etc.). En outre, ces personnes sont moins autonomes et ont besoin d’aide pour résoudre des tâches plus complexes. La numérisation progressive de la société exige toujours plus d’aptitudes faisant partie ce deuxième niveau de compétences et considérées comme indispensables pour assurer une approche autonome et orientée vers la résolution de problèmes, tant dans la vie professionnelle que dans le domaine privé.
  • 3e niveau de compétences « créativité » : le niveau de compétences le plus élevé, appelé « créativité » (angl. « creativity »), est la compréhension approfondie de sujets techniques et du fonctionnement de différentes technologies. Il permet de créer et/ou de modifier des contenus numériques. Il est toutefois permis de se demander si un manque de connaissances à ce niveau peut être considéré comme une lacune. Bien que disposer d’un vaste savoir-faire présente des avantages, notamment dans le domaine professionnel, des lacunes à ce niveau ne sont pas problématiques en soi.

Un déficit en matière de compétences numériques de base en particulier a des conséquences graves, telles que le risque d’exclusion sociale et professionnelle. En revanche, les répercussions de déficits au niveau des aptitudes ne sont pas toujours aussi dramatiques. On peut toutefois s’attendre à ce que la numérisation entraîne, au cours des prochaines années, une nouvelle augmentation des exigences sociétales et professionnelles et que le niveau de compétences de base attendues continue à progresser.

Partant de cette approche différenciée des compétences numériques, les causes de ces déficits peuvent être expliquées de différentes manières.

L’évolution rapide dans le domaine du numérique et des compétences correspondantes est certainement un facteur important. Des compétences aujourd’hui jugées suffisantes pour faire face aux exigences de la société et du monde professionnel ne le seront peut-être plus à l’avenir. De ce fait, chaque individu doit continuellement mettre à jour ses propres compétences, afin de s’adapter à la nouvelle donne. La transformation technologique touche de plus en plus également des groupes de personnes qui jusqu’ici répondaient aux attentes générales et qui depuis peu rencontrent des difficultés. Ainsi, c’est la société qui définit qui souffre de lacunes dans le domaine des compétences numériques de base.

Outre la société, la situation de vie personnelle joue également un rôle important. Le niveau de formation est essentiel : certaines études montrent en effet que ce facteur est déterminant lorsqu’il s’agit d’utiliser Internet pour rechercher des informations. Si les internautes possédant un niveau de formation moins élevé passent généralement plus de temps sur Internet, ils s’en servent cependant de manière moins efficiente en tant que ressource (par exemple à des fins éducatives ou professionnelles). Ils utilisent Internet avant tout pour se divertir ou effectuer des tâches courantes. On peut dès lors supposer que l’utilisation d’Internet reflète les comportements sociaux, économiques et culturels traditionnels et partant, les inégalités sociales et structurelles que l’on retrouve dans le monde « hors ligne » ou dans la vie quotidienne, loin des technologies numériques. À cet égard, on constate une corrélation avec les autres compétences de base, puisque des lacunes en matière de compétences numériques de base peuvent être associées à des difficultés dans d’autres domaines, telles que des faiblesses en lecture et écriture. D’autres facteurs possibles sont le manque d’intérêt, l’utilité jugée insuffisante ou le manque de moyens financiers (par exemple l’absence d’équipements numériques pour des raisons financières). En outre, les personnes en situation de handicap rencontrent souvent des difficultés à utiliser les appareils électroniques, car les contenus numériques ne sont pas toujours adaptés aux personnes ayant des besoins spécifiques (lisibilité, complexité des contenus, navigation).

Contrairement à une opinion largement répandue, les jeunes (souvent appelés « digital natives », « génération Y » ou « génération Z » dans ce contexte) ne sont pas nécessairement plus à l’aise dans l’utilisation des ressources d’information et de communication. Des études montrent qu’en comparaison avec la population en général, les adolescents et les jeunes adultes ne disposent pas d’un accès plus efficient aux technologies numériques et qu’ils surestiment souvent leurs propres aptitudes numériques. La fréquence d’utilisation d’appareils et d’applications numériques n’est donc pas automatiquement liée à l’existence effective de compétences numériques. Une étude de l’Office fédéral de la statistique (2018) note à ce sujet :

S’agissant des jeunes générations, ce constat (classement moins bon) pourrait être considéré comme un peu inquiétant dans la course à la réussite de la transformation numérique..Office fédéral de la statistique 2018

Ainsi, en Suisse, les déficits dans le domaine des compétences numériques de base ne concernent pas uniquement les personnes plus âgées. Ce phénomène touche l’ensemble de la société et il est encore amplifié par les inégalités sociales existantes. S’agissant de l’étude des causes de l’inégalité numérique, une approche différenciée est donc de mise, afin de tenir compte du fait que le statut socio-économique d’une personne joue un rôle déterminant en matière d’accès aux appareils et aux contenus numériques et de l’usage qui en est fait.

Conséquences pour les personnes concernées

Les lacunes en matière compétences numériques de base ont des répercussions dans différents domaines. D’une part, les personnes concernées sont de plus en plus menacées d’exclusion sociale en raison de la transition numérique, d’autre part, elles risquent de ne plus satisfaire aux nouvelles exigences du monde professionnel. Une enquête de l’Office fédéral de la statistique (2018) révèle que près d’un quart de la population suisse ne possède qu’une faible, voire aucune compétence numérique

Exclusion sociale

Si les prestations de service ne sont plus accessibles autrement que par des moyens informatiques, il existe un risque d’exclusion pour certains groupes sociaux. Dans la vie de tous les jours, les exemples sont nombreux :

  • Les banques et la Poste proposent leurs prestations financières principalement sur Internet. Les solutions hors ligne sont facturées en plus.
  • Les démarches administratives et les prestations de service étatiques (p. ex. l’établissement d’un passeport, l’entrée dans un pays tiers) exigent un enregistrement préalable sur Internet ou sont uniquement disponibles à un guichet virtuel.
  • Les billets de transport public s’achètent presque exclusivement sur des automates à écran tactile avec paiement par carte.
  • Dans de nombreux cas, les billets pour les spectacles sont uniquement vendus sur Internet.
  • Les paiements se font de plus en plus souvent par carte de crédit et/ou sont uniquement possibles par voie électronique (par exemple via une application sur smartphone).
  • Les grands distributeurs équipent leurs magasins de caisses libre-service, de moins en moins de caisses sont occupées.
  • Les contenus médiatiques se déplacent vers Internet (podcasts, vidéo sur demande).
  • Les interactions sociales ont de plus en plus souvent lieu sur des plateformes numériques (forums de discussion, réseaux sociaux).

Les personnes qui ne savent pas utiliser les appareils électroniques n’ont souvent pas accès aux services ci-dessus ou à des prestations similaires ou elles sont obligées de demander de l’aide pour y accéder. Les solutions alternatives traditionnelles, pour autant qu’elles soient encore proposées, sont en règle générale soumises à une taxe supplémentaire, que l’on pourrait presque qualifier de « pénalité ». De ce fait, les personnes sans compétences numériques renoncent fréquemment à utiliser ces services. Elles hésitent à utiliser les transports publics ou à se rendre à une manifestation culturelle, ce qui n’est pas sans effet sur leur estime de soi. Elles commencent à douter de leurs propres facultés et perdent souvent le courage et l’envie de s’adapter à la transition numérique, ce qui renforce encore leur isolation sociale. En outre, ces personnes risquent de ne plus être au courant des principaux événements, par exemple des affaires politiques, des directives édictées par les autorités ou des informations destinées aux consommateurs. Dans les cas les plus graves, elles ont du mal à rester en contact avec l’entourage (famille, amis, etc.) si la communication passe essentiellement par les plateformes numériques.

Problèmes d'insertion professionnelle

Dans le monde du travail également, les exigences en matière de compétences numériques de base ne cessent d’évoluer. Les perspectives professionnelles et la sécurité de l’emploi sont généralement moins bonnes pour les actifs éloignés du numérique. De plus, leurs choix professionnels sont limités.

D’une part, les compétences numériques de base constituent un avantage au moment de la recherche d’un emploi : bon nombre d’annonces sont publiées exclusivement sur des portails Internet et, dans de nombreux cas, les employeurs acceptent uniquement des dossiers électroniques. L’établissement d’un dossier de candidature compétitif exige des connaissances de base en traitement de texte (p. ex. des logiciels Office). En outre, l’autopromotion et la mise en relation sur les réseaux sociaux sont de plus en plus valorisées.

D’autre part, des compétences numériques de base sont de plus en plus souvent indispensables pour conserver son employabilité. Presque toutes les entreprises ont aujourd’hui recours à des applications et des processus numérisés, que ce soit pour la rédaction de rapports ou de communications, la recherche d’informations, la documentation de projets, la communication (par voie électronique) avec les clients et les partenaires, les décomptes de prestations, le trafic de paiements ou l’archivage électronique de documents. Les petites entreprises artisanales sont elles aussi toujours plus nombreuses à s’équiper de machines à commande numérique et d’applications (p. ex. pour réduire les frais de production et/ou proposer et vendre leurs propres prestations de service sur Internet). De même, Internet ou d’autres interfaces numériques s’imposent progressivement dans les services des achats des entreprises. Aujourd’hui, la numérisation concerne même des secteurs tels que la gastronomie, les transports et le nettoyage, qui jusqu’ici n’exigeaient que peu de compétences numériques : on utilise de plus en plus souvent des applications numériques (sur smartphone ou tablette) pour enregistrer des commandes ; les décomptes des prestations se font par voie électronique. Les exécutants doivent donc disposer de compétences numériques de base, sous peine de perdre leur employabilité à long terme. Cette tendance s’observe également ailleurs dans le monde professionnel, notamment pour les travaux de routine (du secrétariat à la production) : afin de gagner en efficience, certaines tâches sont automatisées, voire éliminées.

Cette liste n’est en aucun cas exhaustive, mais elle montre clairement que les secteurs professionnels non touchés par la numérisation sont de plus en plus rares, ce qui n’est pas sans risques et conséquences pour les personnes concernées.

Conséquences sociétales - Fracture numérique

Pour la société, la fracture numérique (angl. « digital gap ») associée aux conditions d’insertion plus difficiles représente un défi majeur. Le terme « fracture numérique » se réfère aux inégalités d’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC). La fracture numérique soulève plusieurs questions centrales : comment et dans quel but les technologies numériques et Internet sont-ils utilisés dans la vie de tous les jours ? Quelles nouvelles disparités naissent des différences dans l’utilisation de ces technologies et quels sont leurs effets sur les inégalités sociales existantes ? Actuellement, il est plus pertinent de connaître la manière dont les ressources numériques sont utilisées pour récolter des informations que de savoir qui a accès à ces ressources (p. ex. à Internet). Avoir accès aux informations est indispensable pour participer à la société, puisque les informations sont liées à la productivité, à l’influence, au réseautage et au pouvoir. À l’ère numérique, l’information dématérialisée remplace l’information imprimée. De ce fait, une personne aux compétences numériques de base insuffisantes risque d’être désavantagée lorsqu’il s’agit d’acquérir, d’exploiter et d’utiliser des informations importantes. En raison de ce manque d’informations, elle est menacée d’exclusion de la vie sociale. De plus, elle rencontre davantage de difficultés à garder le statut social acquis (maintenir le statu quo) et à acquérir de nouvelles compétences stratégiques, y compris du point de vue professionnel.

À cet égard, il est important de comprendre l’impact que la fracture numérique peut avoir sur les structures de pouvoir social et la qualité de vie ainsi que les avantages effectifs qu’un individu peut tirer de l’utilisation de ressources numériques. Par le biais de la « fracture numérique », la numérisation renforce les inégalités sociales existantes, puisque c’est surtout la partie « informée » qui en profite, elle qui possède déjà davantage de ressources financières, sociales ou culturelles. Les couches de la société qui sont insuffisamment informées ou connectées ou ne possèdent pas les aptitudes demandées sont, elles, désavantagées. Même si une grande partie de la population a plus facilement accès aux technologies numériques, la fracture numérique continuera à exister en raison des différences de statut.

Cette fracture numérique s’observe tant à l’échelle globale qu’au plan national. Les différences à l’échelle globale sont généralement dues à la prospérité économique ou au progrès technologique dans les différents pays/régions. Comme il a été dit ci-dessus, les disparités à l’intérieur d’un pays résultent quant à elles souvent d’inégalités sociales, car toutes les couches de la société ne sont pas intégrées au même degré à la société de l’information. Dans le présent contexte, l’accent est mis sur le niveau national et les différences qui existent au sein d’une société en ce qui concerne l’utilisation des ressources d’information et de communication. Ces différences sont également à l’origine du problème sociétal qu’est la fracture « démocratique ». Il s’agit ici de l’utilisation inégale de l’espace virtuel (numérique) par différents groupes politiques, qui montre que certaines couches de la société sont exclues de la vie politique, en raison, entre autres, de l’absence d’accès aux outils numériques. De ce fait, leurs intérêts ne sont pas pris en compte de manière adéquate dans le débat public, notamment parce qu’elles ne sont représentées par aucun lobby. Leur influence sur la formation de l’opinion publique est ainsi très limitée. Il existe donc un risque que le manque de compétences numériques restreint encore davantage les droits de participation politique.

Conséquences économiques

Sur le plan économique, l’augmentation des exigences en matière de compétences numériques de base a pour effet que les personnes concernées ont de plus en plus de difficultés à répondre aux profils professionnels exigés (on parle de « décrochage ») et à rester en phase avec l’évolution technologique. Ce décalage n’est pas sans conséquences pour l’économie nationale : d’une part, l’écart des salaires continue à se creuser, notamment aux dépens des moins qualifiés. Outre les répercussions – financières et/ou sociales – sur l’entourage des personnes concernées, cet écart soulève également des questions relatives à un système de rémunération équitable à l’échelle de l’entreprise et de l’économie en général. D’autre part, une faible compétence numérique comporte un risque plus élevé de chômage et une intégration plus difficile au marché du travail. Cette situation entraîne elle aussi des conséquences et des coûts pour l’économie du pays, qui risquent de devenir encore plus visibles à l’avenir.

La numérisation va de pair avec des besoins accrus en personnel spécialisé qualifié. Pour rester concurrentielles, les entreprises locales doivent disposer d’une offre suffisante de personnel hautement qualifié. Dans ce contexte, la question suivante soulève de vives controverses : dans quelle mesure les mutations structurelles « numériques » ont-elles pour effet la suppression de postes de travail ou, au contraire, la création d’emplois dans de nouveaux domaines ? Les conditions dans notre pays sont certes telles que ces mutations sont à l’origine d’opportunités attrayantes et de nouvelles perspectives professionnelles. Afin de maîtriser ces défis économiques et d’assurer la compétitivité de la place économique suisse, les autorités et les entreprises doivent veiller à ce que les travailleurs puissent s’adapter à l’évolution technologique et à mettre en place des offres et des aides pour les personnes concernées en vue d’atténuer les éventuelles conséquences négatives de la numérisation. Les acteurs de la société civile et des milieux économiques et politiques sont invités à évaluer le besoin de formation et de mesures de soutien supplémentaires et à agir suffisamment tôt.

L'inclusion numérique, un chance

Pour des raisons de cohésion sociale et culturelle, il est très important que les personnes qui ont déjà ou risquent d’avoir bientôt des lacunes en matière de compétences numériques ne souffrent pas de conditions de vie précaires ou n’aient pas accès à certaines offres et prestations de service, qu’elles puissent exercer leurs droits de participation politique et reçoivent une aide et un soutien adéquats, afin qu’elles aient les mêmes chances de participer à la société. Si l’innovation technologique en soi n’est pas à l’origine d’inégalités, la numérisation a, contrairement aux hypothèses antérieures, non pas contribué à la démocratisation (souhaitée) de la société, mais renforcé les fractures sociales et numériques. Afin d’atténuer cette tendance, il est indispensable de multiplier les formations dans les domaines du numérique et de la participation numérique et de maintenir les accès analogiques. Ces efforts sont déterminants pour garantir le droit à l’apprentissage tout au long de la vie, l’intégration dans la société, l’accès aux ressources et aux prestations de service publiques, culturelles et éducatives ainsi que l’intégrité et l’autonomie de toutes les couches de la société.

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